
Research Program Manager chez Orange Research, Emmanuel le Huérou évoque les grandes tendances dans l’univers du paiement et le rôle que peuvent jouer les opérateurs pour le transformer en opportunité de réinventer l’expérience client
Quelles sont les grandes tendances en matière de paiement ?
ELH -La première tendance, c’est la dématérialisation du paiement avec la diminution du cash ou la disparition des chèques voire des cartes bancaires en plastique. Le paiement sans contact avec son smartphone, qu’Orange avait introduit dès 2015 avec Orange Cash, est d’ailleurs en passe de devenir majoritaire chez les jeunes.
La seconde tendance, c’est l’accélération de cette transformation. Il a fallu plus de 30 ans pour que la carte bancaire s’impose dans les usages mais il ne faudra sans doute qu’une décennie pour que le paiement par smartphone fasse de même. Les consommateurs s’habituent également à des paiements instantanés, en quelques secondes, y compris pour les virements. Orange avait également été pionnier en généralisant cette solution dans Orange Bank.
La troisième tendance, c’est la prise de conscience que le paiement devient un sujet de souveraineté. Les principales banques russes ont été exclues de Swift et et les Européens cherchent à réduire leur dépendance aux grands acteurs américains du paiement comme Visa ou Mastercard. Il y a des initiatives européennes comme Wero qui, après le paiement interpersonnel, va permettre le paiement en ligne et en boutique. Sosh devrait d’ailleurs proposer cette solution européenne dès l’année prochaine à ses clients.
La quatrième tendance, c’est une forme de disparition du paiement pour le client, initiée par le 1 Click d’Amazon, le Zero Click de Uber ou l’Open Payment dans le domaine des transports. Cette étape du paiement, longtemps perçue comme un irritant, doit devenir la plus simple, la plus rapide possible, au point parfois d’être trop rapide aux yeux des consommateurs qui ne savent pas bien ce qu’ils payent ou comment récupérer une facture.
Cette disparition du paiement est d’ailleurs à l’origine d’une cinquième et dernière tendance : la nécessité de réinventer l’expérience client en proposant au consommateur qui paye de bénéficier de facilités de paiement fractionné, d’informations sur la livraison ou encore de rejoindre un programme de fidélité.
Quelles sont les tendances en matière de fraude ?
ELH - Selon l’Observatoire de la Sécurité des Moyens de Paiement de la Banque de France, la fraude par carte bancaire est globalement stable à son plus bas niveau historique et en baisse pour sa forme numérique.
Cela s’explique par la généralisation de l’authentification forte à double facteur, introduite par la DSP2, la directive européenne sur les moyens de paiement, qui a porté ses fruits.
Malheureusement, les fraudeurs ont développé de nouvelles techniques, reposant sur l’ingénierie sociale et la manipulation, pour contourner ces authentifications comme dans le cas de la fraude au faux conseiller bancaire.
La jurisprudence, tout comme la future DSP3, invitent d’ailleurs les banques, tout comme les services de communication numériques, à se pencher sur cette question de la responsabilité, pour mieux lutter contre ces nouvelles formes de fraude.
Quel peut être le rôle des opérateurs pour l’avenir des paiements ?
ELH - Dans cet écosystème en pleine transformation, les opérateurs interviennent à plusieurs niveaux. Ils ont tout d’abord travaillé sur une nouvelle génération d’API baptisés CAMARA, non seulement disponibles chez les 4 principaux acteurs du marché français, mais également déployés partout dans le monde, afin de renforcer l’authentification des utilisateurs ou la sécurisation des paiements.
Le deuxième axe, c’est l’élargissement du périmètre des paiements sur facture opérateur.
Aujourd’hui, on peut non seulement acheter des contenus sur son smartphone ou sa télévision connectée, mais également faire un don à une association, payer un ticket de tram ou demain son péage d’autoroute, sous réserve que le montant soit inférieur à 50 euros.
Les opérateurs travaillent également sur de nouveaux canaux de la relation client comme le RCS,qui permet aux consommateurs de dialoguer directement avec les marques sans avoir à télécharger la moindre application. Depuis son adoption par Apple, le RCS touche plus de 80% de la population et notamment les jeunes qui sont une cible prioritaire pour de nombreuses marques.
En combinant toutes ces technologies, les opérateurs sont ainsi capables de proposer des solutions de paiement qui enrichissent l’expérience client tout en répondant aux grands enjeux de souveraineté et de sécurité.